Développement Personnel

De l’importance de vivre le moment présent

« On n’a pas le temps, si brève est la vie, pour les chamailleries, les excuses, l’animosité, les appels à rendre des comptes. On n’a que le temps pour aimer et pas un instant de plus, pour ainsi dire, que pour ça » – Mark Twain

« Vivre le moment présent », « profitez à fond », savourez l’instant » … Autant de formules qui deviennent de plus en plus répandues. Et pourtant, quiconque s’est déjà prêté à l’exercice sait qu’il n’y a rien de simple là-dedans. Car face à ces affirmations qui incarnent aujourd’hui la promesse d’une meilleure qualité de vie s’opposent, des termes comme anticiper, prévoir, gérer, organiser… D’ailleurs, qui ne connait pas ces fameuses angoisses du lendemain avant de s’endormir ? Piégé entre notre volonté de voir s’accomplir nos projets et la hantise de réitérer nos erreurs passées, nous n’avons de cesse d’évoluer dans un espace-temps virtuel qui nous enferme. Stressé, angoissé, nous développons des mécanismes de lutte ou de fuite censées anticiper les évènements et qui ont des conséquences parfois désastreuses sur notre état de santé. Voilà pourquoi il devient urgent de se recentrer sur soi et de vivre pleinement le moment présent.

Pourquoi devient-il urgent de vivre dans le présent ?

Le « carpe diem » est loin d’être un concept novateur. Au contraire, cette locution latine du poète Horace date de -23 av. J.-C et signifie « cueille le jour présent sans te soucier du lendemain ». Mais on retrouve cette même notion dans la tradition musulmane, grec et bouddhiste. Il y a 2 500 ans, le Bouddha l’avait d’ailleurs expliqué en ces termes : « ne cherchez pas le passé, ne cherchez pas le futur ; le passé est évanoui, le futur n’est pas encore advenu. Mais observez ici cet objet qui est maintenant. » En revanche, c’est à partir des années 70 que l’expression devient courante. Il faut dire qu’à l’époque, la tendance était à la liberté d’expression, sous toutes ses formes. Et il y souffle un vent d’insouciance et d’émancipation, bien loin de ce que nous connaissons aujourd’hui. « La culture du “tout, tout de suite”, sacralisant les jouissances sans interdits, sans préoccupations des lendemains », explique le philosophe Gilles Lipovetsky.

Mais aujourd’hui, nous vivons au jour le jour dans la peur d’une nouvelle attaque terroriste, d’un désastre écologique à venir et dans l’ère de la récession économique. « À partir des années 1980 et surtout 1990, un “présentisme” de seconde génération arrive. Et c’est dans l’insécurité que se vit, de manière croissante, le présent », continue le philosophe. Dès lors, vivre l’instant s’impose comme une nécessité pour ceux qui n’arrivent plus à faire face à l’angoisse et au stress du quotidien. Bien loin de l’oasis pointée par les sages de ce monde, le moment présent constitue désormais une sorte d’état d’urgence psychique pour évacuer la pression permanente de nos sociétés capitalistes. Mais, s’il y a bien une idéologie contemporaine qui rend difficile cet exercice, c’est celle du contrôle. En effet, ces dernières années, il devient nécessaire pour ne pas dire impératif, d’anticiper le futur. Se projeter, prévoir, gérer, organiser… Écarteler entre ces deux injonctions contradictoires, c’est le burnout, la dépression et l’épuisement.  

Des mécanismes de lutte ou de fuite qui traduisent une insécurité permanente

la terre dans une main et les horloges - moment présent

Si la notion de vivre l’instant présent est si ancienne, c’est parce que très tôt, les grands penseurs de ce monde se sont rendu compte de l’attirance naturelle de l’homme pour la quête d’un lendemain qui chante. Et du point de vue de la psychologie, cela s’explique assez facilement. Car durant l’enfance, nous héritons des idéaux parentaux dont il appartiendra à chacun de « faire avec ». Cela correspond au stade du miroir, une étape structurante dans le développement de l’enfant. Face à son image, le petit prend pour la première fois conscience de son corps, soutenue par le regard d’un proche qui l’y engage : « regarde, c’est toi ». Il peut ainsi contempler son reflet en même temps qu’il aperçoit le regard empli d’amour de la personne qui l’accompagne. C’est ce qu’on appelle plus communément :  le narcissisme. « L’image de mon corps passe par celle imaginée dans le regard de l’autre ; ce qui fait du regard un concept capital pour tout ce qui touche à ce que j’ai de plus cher en moi et donc de plus narcissique », explique Jacques Lacan. Or, ce regard qui porte le petit va soutenir la constitution de son Moi et plus particulièrement, l’idéal du Moi. À savoir, ce vers quoi il faudra tendre.

Inconsciemment, nous courons donc tous derrière une image de nous-même qui puisse correspondre à cet idéal fantasmé. Cela peut passer par le travail, la famille, les relations sociales, la recherche d’un partenaire… Et c’est d’autant plus vrai que ce 21ème siècle marque l’entrée dans l’ère du numérique. Car, il se dessine aujourd’hui les contours d’un future 2.0 dans lequel chacun peut devenir la star du petit écran. Et le poids de l’apparence y est considérable, que ce soit au travers des réseaux sociaux où dans le discours social : jeunisme, esthétique, sport, diététique… Tout est fait pour gérer, encadrer, organiser le corps des personnes qui, pour être à la hauteur, doivent toujours plus s’engager dans la course. Malheureusement, l’horizon ne s’atteint jamais, c’est le principe même d’une ligne de fuite. Alors quand ce dernier semble s’éloigner un peu trop, ce sont les ruminations, les regrets et la nostalgie qui refont surface et qui distillent le poison de la culpabilité. Après tout, c’était mieux avant…

« Nous vivons une contraction du temps jamais expérimentée jusque-là en étant passés à la nanoseconde. Certaines machines vont aujourd’hui plus vite que nos neurones. Ajoutez à cela les nouveaux moyens de communication – téléphone, ordinateur portable –, où l’on peut être à la fois présent et absent à ce que l’on vit… Nos personnalités sont éclatées. Il y a urgence pour nous à travailler à être présents », Thierry Gaudin. Écartelé entre deux mondes, un passé encensé et un futur à atteindre, l’homme moderne n’a d’autres choix que de s’engager dans des mécanismes de lutte pour continuer sa course effrénée et de fuite pour se réfugier dans un avenir possible ou un paradis perdu à jamais. Or, ces deux mécanismes en serve un autre qui n’est autre que celui de la survie. En effet, en cas de menace imminente, le corps libère naturellement l’hormone du stress, autrement appelé cortisol, qui actionne des mécanismes cérébraux archaïques censés nous préparer à lutter ou à fuir. Et si le taux de cortisol devient trop élevé, il entraine des désordres physiologiques et des conséquences désastreuses sur l’état de santé, comparable aux personnes victimes d’un trouble post traumatique.

Habitez son corps, c’est faire face

corps-present

Car ce qui complètement nié dans cette opération, c’est le corps. En effet, à force de vouloir le modeler « à notre image », on finit par s’en distancier et ignorer ses propres besoins. Or, « habiter son corps, c’est d’abord se mettre à l’écoute de ce que l’on ressent, puis le nommer (le négatif comme le positif). Cela nous permet de nous connecter à la réalité présente (via les sensations), de comprendre ce qui nous arrive (via les émotions). Cela nous permet également d’élaborer une réflexion, des projets, à partir de nos besoins et de nos désirs », explique la psychothérapeute Béatrice Millêtre. Mais, cela fait souvent mal. Et à l’heure où on nous exhorte à « profiter pleinement de la vie », la souffrance c’est loin d’être tendance. Du coup, il existe toute une batterie de solutions, au premier rang desquelles, un traitement médicamenteux. Et pourtant, renouer avec cette souffrance qui tenaille et interroge, accepter d’écouter ce que dit notre corps peut nous permettre de faire un premier pas vers nous-mêmes. Comme l’explique Moussa Nabati, auteur du Bonheur d’être soi : « Souvent, nous sommes persuadés que notre douleur renvoie à un manque actuel, tangible, situé dans le réel, sans voir que nos souffrances existent avant tout dans notre passé et notre mémoire, entravant notre énergie vitale, nous empêchant de construire et d’avancer. Nous cherchons une solution au-dehors, quand elle doit être trouvée à l’intérieur, en nous efforçant de sortir le passé de l’épais manteau de l’oubli pour pouvoir le reconnaître, l’accepter et faire enfin la paix avec soi-même dans le présent. »

 Exister au monde, c’est certes prendre conscience de ses faiblesses. Mais c’est également la possibilité d’en tirer profit et d’en faire une force. C’est osé mettre des limites et dire stop quand le quotidien devient harassant. Se recentrer sur soi, sur ses envies, ses ambitions, mais également ses doutes et ses peurs permettent de mieux appréhender l’avenir. Les angoisses disparaissent et le stress devient constructif en se mettant au service d’une volonté clairement assumée et non subie au jour le jour. Prendre le temps, écoutez l’autre, s’écouter soi permet souvent de renouer avec un bonheur non pas imaginé mais bien présent, à chaque instant de la journée. Alors évidemment, les diversions sont nombreuses : l’ordinateur, le téléphone, la télévision…Mais une fois l’habitude acquise, il devient plus facile d’affronter les problématiques du quotidien en les acceptant comme elles viennent et non comme nous pensons qu’elles devraient être.

Vivre au présent : les bienfaits sur la santé

Ces dernières années, de nombreuses études scientifiques tendent à démontrer l’importance, pour ne pas dire l’urgence, de mieux apprécier le moment présent. On pense notamment à la pratique de la méditation dite de « pleine conscience » héritée de la tradition bouddhiste, qui permet de se recentrer sur soi. Et les résultats sont sans appel ! Ce genre d’exercice augmente le volume de certaines structures cérébrales notamment celles concernant la mémorisation. Par ailleurs, vivre le moment présent inverse la courbe du stress dont on sait aujourd’hui qu’il est extrêmement corrosif pour l’organisme et à l’origine de beaucoup de cancer. Les grandes multinationales américaines ne s’y sont d’ailleurs pas trompées et proposent régulièrement des séminaires de médiation à leurs employés. Autre point positif, cela permet de renforcer le système immunitaire, réduit la tension artérielle et favorise un sommeil récupérateur. Quant aux bénéfices psychologiques, ils sont nombreux : apaisement, créativité, partage, sensation de bonheur, confiance en soi…

Pour conclure et comme l’explique le docteur Joe Dispenza, auteur du livre Le placebo c’est vous : « vous devez regarder quelles sont les émotions qui vous maintiennent ancré dans le passé et décider : « Est-ce que je veux que ces émotions décident de mon avenir? » Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui essaient de créer une nouvelle réalité personnelle à partir de leur personnalité actuelle et ça, ça ne marche pas! »